mercredi 16 octobre 2013

JE N’ABDIQUE PAS


J’ai reçu aujourd’hui même, ta lettre datée du 5 octobre 2013.[1]
Je suis content que l’échange continue.
Il nous appartient de faire en sorte pour qu’il dure, ine chaa-e Allaah.[2]
Je vais commencer par la fin de ton écrit où tu me demandes s’il m’est arrivé de me remettre en question « en dehors de la religion » ?
Tu considères cette question comme cruciale, je ne vois pas pourquoi.
Moi je trouve que sa deuxième partie dénote d’une certaine confusion, mais cela ne m’empêche pas d’essayer d’y répondre.
Il est évident que je me suis remis en question et que je me remets, souvent, en question.
Je n’ai pas besoin de t’exposer des étapes de mon parcours pour illustrer ma réponse que je vais compléter : Je me remets, souvent, en question pour faire de mon mieux, afin d’Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
Et pour cela, je suis reconnaissant à Allaah pour tous Ses bienfaits, dont font partie, mon épouse et nos enfants par exemple.
Au sujet de ton point concernant la vie des uns et des autres au sein de notre famille décomposée, moi, malheureusement, je n’ai pas vécu au chaud, comme tu l’écris, auprès de notre défunt père.
J’étais à l’internat dès l’âge de dix ans, presque sans interruption,[3] jusqu’au baccalauréat, [4] après quoi, comme toi, j’ai rejoint l’université en France où notre père ne prenait pas en charge les qui en découlaient.[5]
Je dois te dire que parmi les textes que je donne à lire depuis des années sur internet, beaucoup ont trait à cette famille décomposée,[6] mais sans recours de ma part à la « victimisation » et à la « dénégation » par exemple, comme c’est ton cas dans ton courrier.
Je referme la parenthèse pour te dire que c’est une bonne chose que l’écriture soit ton jardin et que les livres soient tes amis, comme tu tiens à le souligner.
Chercher la connaissance est un enseignement fondamental de l’Islaam,[7] depuis Aadame sur lui la bénédiction et la paix.
L’Islaam rejette l’obscurantisme, l’ignorance[8] et pousse à l’effort[9] dans ce domaine, comme dans d’autres.
Il fait appel à la raison et invite à se remémorer pour saisir le Sens et approfondir le Lien.
J’ai déjà eu l’occasion de te l’écrire, mais il ne faut pas hésiter à répéter, encore répéter, toujours répéter les enseignements qu’apporte le Message du Seigneur des univers.[10]
Tu te poses des questions sur « les gens de la caverne »,[11] entres autres : Tu peux trouver des réponses dans Alqoraane,[12] au chapitre qui porte ce titre.
J’ai été très touché d’apprendre que tu as rêvé de Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix.
C’est un cadeau inestimable car lui-même a précisé que quiconque le voit dans un rêve, véridique est sa vision.[13]
Que ce rêve t’aide à méditer sur l’Essentiel.
Tu me parles de l’un de nos neveux,[14] parce que tu tiens à répéter que dans la famille tu es comparé à lui et lui à toi, car tous les deux, vous êtes intransigeants, libres et que vous vous réalisez par l’écriture : Je ne peux que vous souhaiter du succès dans la Voie d’Allaah.
Cher frère, nous sommes, tous les deux, au crépuscule de notre parcours.
J’ai mis beaucoup de temps pour comprendre que je n’étais pas dans la bonne Voie.[15]
Depuis un certain temps, je fais de mon mieux en invoquant Allaah afin qu’Il pardonne mes errements, mes compromissions, mes fautes, mes faiblesses, mes rancoeurs, mes insuffisances, mes incapacités et autres, me protège des tromperies « d’achchaytane »[16] et de tous les ennemis, m’accorde l’humilité, me préserve de la cécité du cœur et me couvre des bienfaits de Sa miséricorde.
Dans ce que tu m’écris, tu précises que tu as « bien vécu ».
C’est quoi « bien vivre » ?
Pour beaucoup c’est jouir de ce que Allaah nous demandes de ne pas approcher.
C’est s’adonner aux plaisirs illicites qu’ils sont fiers d’exposer comme des succès.
Qu’Allaah nous pardonne.
Pour beaucoup, Allaah n’existe même pas.
Pour beaucoup encore, le craindre n’est pas « moderne ».
Je peux continuer à l’infini.
« Aviez-vous pensé que Nous vous avions créés par frivolité[17] et qu’à Nous vous ne seriez pas retournés ? Exalté soit Allaah, Le Vrai Roi,[18] nul Ilaah[19] que Lui, Le Maître du Noble Trône[20] ».[21]
À la mosquée[22] où je me rends pour « salaate aljomo’a »,[23] qui a été construite à la place d’une partie de l’usine automobile où un de nos frères travaillait comme ouvrier à la chaîne au début des années soixante dix[24], « alkhotba »[25] avait pour thème le pèlerinage.
J’ai pensé à ce qu’en a écrit l’Autrichien Léopold Weiss, qui a choisi de s’appeler Mohammad Asad,[26] en retrouvant l’Islaam :
« Les mouvements corporels du pèlerin autour (de la Kaaba)[27] symbolisent l’activité humaine, signifiant que, non seulement nos pensées et sentiments – tout ce que comprend l’expression «vie intérieure» –, mais aussi notre vie extérieure et active, nos actions et efforts pratiques doivent avoir Dieu pour centre. […].
Je marchais:[28] et, à mesure que les minutes passaient, tout ce qui avait été petit et amer dans mon cœur me quittait et je devins partie d’un courant circulaire. Était-ce donc la signification de ce que nous faisions : devenir conscient que l’on est partie d’un mouvement sur une orbite ? Était-ce, peut-être la fin de toutes les confusions ? Et les minutes se dissolvaient, le temps s’arrêtait et c’était le centre de l’univers […] ».[29]
C’est ce même Autrichien, décédé depuis de nombreuses années, qui fournit d’autres éclairages précieux, en écrivant par exemple que :
« Ce ne furent pas les musulmans qui ont fait la grandeur de l’Islam ; c’est l’Islam qui a fait la grandeur des musulmans. Mais dès que leur foi devint routine et eut cessé d’être un programme de vie mis consciemment en pratique, l’élan créateur qui étayait leur civilisation déclina, laissant graduellement la place à l’indolence, à la stérilité et à la décadence culturelle ».[30]
Et encore lui :
« La tendance à l’imitation d’une civilisation est l’aboutissement d’un sentiment d’infériorité. Ceci n’est rien de moins que le fait des Musulmans qui imitent la civilisation occidentale. Ils opposent sa puissance, sa maîtrise technique et sa brillante surface à la triste souffrance du Monde musulman. Ils se mettent à croire, qu’à notre époque, il n’y a pas d’autre alternative au mode de vie occidental. Blâmer l’Islam pour nos propres déficiences est devenue la tendance actuelle ».[31]
Est-ce que cela signifie l’opposition à tout ce qui vient d’ailleurs, comme certains et certaines le claironnent ?
Pas du tout. « On pourrait toujours recevoir de nouvelles et positives influences d’une civilisation étrangère sans que cela ne soit destructif pour soi ».
Toujours lui :
« Le problème auquel font face les Musulmans aujourd’hui est celui du voyageur arrivé à la croisée des chemins. Il peut rester là où il se trouve mais cela signifierait mourir de faim. Il peut choisir la route dont le panneau signale «vers la civilisation occidentale». Dans ce cas, il devra abandonner son passé pour toujours. Il peut en choisir une autre dont le panneau indique «vers la réalité de l’Islam». Seule cette route peut attirer ceux qui croient dans leur passé et dans la possibilité de le transformer en un avenir vivant ».[32]
Nous aurons encore l’occasion, ine chaa-e Allaah, d’échanger sur ces points et d’autres.
Il serait bon cher frère, à la fin de la lecture de cette lettre, que tu te lèves afin de prendre un bain purificateur, de faire tes ablutions et de te présenter devant Allaah en toute humilité, en invoquant Son pardon et Sa miséricorde, pour accomplir la Prière.
Assalaate.[33]
Je te l’ai déjà écrit en 2011, dans la lettre que j’ai remise à une de nos soeurs pour toi.
Jusqu’à son départ pour l’au-delà et pendant de longues années, je n’ai pas cessé de répéter cela, avec d’autres précisions, à notre père.
Dans ce domaine, je n’ai pas abdiqué et avec d’autres je n’abdique pas non plus.
C’est une obligation :
Les croyants et les croyantes[34] commandent[35] le convenable[36] et proscrivent[37] le blâmable.[38]
 
BOUAZZA


[1] Selon le calendrier dit grégorien.
[2] Si Allaah veut.
[3] J’ai achevé une année scolaire de collège à Casablanca chez notre père et je suis resté les deux années d’après chez notre sœur, décédée en 1970.
[4] L’internat que mon père ne payait pas.
[5] J’ai été aidé par des personnes en France, j’ai fait des travaux d’étudiants et j’ai décroché une bonne bourse du Maroc lorsque, suite aux tentatives militaires d’éliminer la royauté, le régime de l’imposture a distribué à tour de bras, des bourses à tous les étudiants, afin d’essayer de faire taire leurs revendications.
Tout le monde le sait.
[6] Sur laquelle je continue d’écrire.
[7] L’Islaam depuis Aadame sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
[8] Aljahl.
[9] Alijtihaad.
[10] Rabb al’aalamiine (le roulé).
[11] Ahl alkahf.
[12] Alqoraane (Le Coran) est la continuation, la synthèse et le parachèvement du Message d’Allaah.
Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, a eu pour mission de le transmettre.
[13] Selon Abou Sa’iid Alkhodarii (Abou Saïd Alkhodari), le Prophète sur lui la bénédiction est la paix a dit :
Quiconque me voit dans un rêve, véridique est sa vision, car achchaytaane ne peut prendre ma forme.
Hadiite (hadite, hadithe, hadiithe) rapporté par Albokhaarii (Alboukhari).
Les r roulés.
Lorsqu’on parle de hadiite, cela renvoie à ce qui a été rapporté concernant la conduite de Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, à Assonna.
Alqoraane n’a de sens qu’avec Assonna et Assonna ne peut exister sans Alqoraane.
Assonna procède d’Alqoraane.
[14] Enseignant universitaire et journaliste.
[15] Il y a deux voie : LaVoie d’Allaah et la voie d’achchaytaane.
[16] Satan.
[17] Kachriid utilise le terme amusement(au lieu de frivolité) et note, entres autres, que si Allaah a crée les êtres et les choses, c’est dans un but bien défini. C’est pour démontrer Sa puissance infinie, Sa miséricorde sans bornes et Sa justice à laquelle personne ne peut échapper. Que les criminels manifestent largement leur puissance et leur outrecuidance, que les tyrans se prennent ici pour les dieux, que les riches impies se vautrent dans leur dépravation et dans leur luxure et que les honnêtes gens souffrent dans ce monde toutes sortes de vexations et d’injustices, mais ce monde n’est qu’une voie de passage ou une station de tri et le jour du grand jugement est inéluctable où chacun sera récompensé selon ses intentions et selon l’état de son coeur.
Salaah Addiine Kachriid (Salah Eddine Kechrid), traduction du Qoraane (Coran), Loubnaane, Bayroute, éditions Daar Algharb Alislaamii, cinquième édition, 1410 (1990), première édition, 1404 (1984).
Note en bas de la page 456.
[18] Almalik Alhaqq.
[19] Divinité.
[20] Al’arch Alkariim (les rroulés).
[21] Alqoraane (Le Coran), sourate 23 (chapitre 23), Annour (le r roulé), La Lumière, aayate 115 et aayate 116 (verset 115 et verset 116).
[22] Almasjid.
[23] La prière de vendredi.
[24] Il avait dix sept ans à l’époque.
Sur ses papiers, il a été vieilli pour qu’il puisse rejoindre cette usine.
Il a quitté très vite la chaîne et la France.
[25] Lkhotba, lkhtba, ce terme arabe est généralement traduit par sermon ou prône.
Il s’agit de l’intervention de alimaame, l’imam (le guide) sur un thème de son choix, avant qu’il ne dirige la prière.
Pour la prière des deux fêtes de l’Islaam, la fête de la rupture du jeûne et la fête du sacrifice (‘iide alfitr et ‘iide aladhaa), l’imam procède à alkhotba, après la prière.
[26] Açad.
[27] Alka’ba (ka’ba) à Makka (la Mecque).
[28] Il a accompli l’obligation du pèlerinage (alhajj) avec son épouse Elsa, musulmane d’Autriche comme lui.
Décédée pendant cette période, elle est enterrée à la Mecque.
[29] Muhammad Asad, Le Chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976.
[30] Mohammad Asad, op.cit,, p. 178, 179.
[31] Mohammad Asad, l’Islam à la croisée des chemins, Bruxelles, Éditions Renaissance, 2004, p. 110, 111.
[32] Mohammad Asad, op.cit, p. 114.
[33] Assalaa.
[34] Almouminoune wa almouminaate.
[35] Ya-e-moroune (le r roulé).
[36] Alma’rouf (le r roulé).
[37] Yanhawne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire