« J’étais
issu de l’Orient et des traditions de l’orient. J’avais été instruit et éduqué
dans des écoles d’occident. Et non seulement la greffe avait pris, mais l’arbre
n’avait jamais donné autant de fruits. Je l’ai pris alors à deux bras et je
suis parti vers cet occident d’où venaient toutes sortes de greffes. Et
voici : c’était comme si j’avais transporté avec moi tout un lambeau de
terre, tout un monde. Et le monde vers lequel je me dirigeais m’a semblé froid,
fermé et hostile. Comment dire ? Les fruits se sont desséchés sur l’arbre
et, au bout de seize ans, je n’avais pas encore trouvé un seul petit lopin de
terre où enterrer mon arbre mort depuis longtemps [...]
Et,
assis entre deux portes fermées, j’ai tant crié à la fraternité humaine et à la
connaissance mutuelle que j’en suis devenu malade, insomniaque et tressautant
au vol d’une simple mouche. Et, par contre-coup, dans ma solitude, je me suis
recrée une terre natale couleur de mirages et de vérité. Écoutez : c’est ici,
dans les bidonvilles de vos cités de béton, que j’ai redécouvert l’Islam. Vous
m’entendez, vous tous ? »[1]
[1]
Driss Chraïbi (Driis Chchraaïbii), Succession ouverte, Éditions Denoël,
Paris 1962, p. 180-181.
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