lundi 13 juillet 2015

LA GRANDE SOEUR DE TATA


Il y a de cela plusieurs années,[1] j’ai mis sur internet un texte concernant Tata :
« C’était une enfant lorsque son père[2] l’avait confié à ma soeur aujourd’hui décédée.
Il faisait plusieurs kilomètres avec son âne pour vendre du lait à Lkhmiçaate.[3]
Il vivait à la sortie de l’agglomération, sur la route de dayte rroumi[4].
Un paysan pauvre qui avait perdu son épouse et qui faisait ce qu’il pouvait pour élever ses enfants, dont Khdija[5] et Tata.
Lorsqu’il apportait du lait, il discutait souvent avec ma soeur et il lui arrivait de rester prendre un thé avec nous.
Un jour, ma soeur lui avait fait part de son souhait d’avoir une petite fille dont elle s’occuperait comme si c’était la sienne.
Il lui avait alors longuement parlé de Tata.
Et un matin, il était venu avec elle.
Une enfant qui avait peur de gêner.
Elle avait froid et ne disait pas grand-chose.
Elle ne parlait pas l’arabe.
Ma soeur lui avait dit quelques mots en berbère, lui avait offert un beau sourire, une caresse et comme par enchantement, Tata avait fait immédiatement sa place dans les lieux et dans les coeurs.
J’allais au collège et vivait chez ma soeur.
Lorsque je jouais avec mes neveux ou quand ils s’amusaient entre eux, Tata qui était une enfant souriait je crois, et nous regardait déjà comme une grande personne, qui avait autre chose à faire.
Très vite, elle avait appris l’arabe, devenant bilingue, comme la grande partie de la population. Elle a toujours fait preuve d’une grande faculté d’adaptation.
Elle faisait des progrès dans divers domaines, développait facilement des relations avec les autres et apprenait sans difficulté apparente.
Quant à nous, nous avions tout simplement du mal à imaginer la maison sans elle.
Quelque chose de très fort a eu lieu entre elle et ma soeur dès leur rencontre.
Et peut-être même avant.
Lorsque ma soeur est décédée en 1970,[6] elle avait quatre garçons. L’aîné avait dix ans . La génération de Tata. Une enfant qui est restée pour s’occuper de tout après le départ de ma soeur.
Avec une volonté, une force, un courage, une générosité rares et un sens des responsabilités que des personnes dites « adultes », n’ont pas.
Elle est toujours à la maison.
Elle a épousé le père des enfants et ils ont eu une fille, aujourd’hui majeure.
Tata lui a donné le prénom de ma soeur.
Lorsque je pense à Tata, je pense à ce qu’elle a donné à ma soeur, aux enfants, à leur père, son mari, à beaucoup d’autres et à moi.
Elle a toujours su recevoir et donner avec humilité, modestie, confiance et désir de faire de son mieux.
Elle continue.
Sereine.
Pleine d’espoir.
J’invoque le Créateur pour qu’Il la couvre de Sa Bénédiction ».
Sa grande soeur a été aussi confiée à une famille.
Elle a travaillé dur chez d’autres familles par la suite.
Elle est devenue mère et était installée à la sortie de l’agglomération, sur la route de dayte rroumii.
Je l’aimais beaucoup, et c’était réciproque je crois.
De temps à autre, j’avais de ses nouvelles.
Hier, 12 juillet 2015,[7] j’ai eu Tata au téléphone.
Elle m’a annoncé le décès de sa grande soeur, suite à un AVC.[8]
« Nous sommes à Allaah et à Lui nous retournons ».[9]
Qu’Allaah lui accorde Sa miséricorde.[10]
  
BOUAZZA



[1] Huit ans.
[2]  Décédé, il y a de cela toute une vie.
[3] Khémisset.
[4] Le ʺrʺ roulé.
Le lac de celui qui n’est pas du pays (du blaad, du bled).
[5] Khadiija, Khadija, sa grande soeur.
[6] Selon le calendrier dit grégorien, à l’age de vingt huit ans.
[7] 25 ramadaane 1436.
[8] Accident Vasculaire Cérébral.
[9] Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2), Albaqara 5Le ʺrʺ roulé), La Vache, aayate 156 (verset 156).

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