Il y a de cela plusieurs années,[1] j’ai mis sur internet un
texte concernant Tata :
« C’était une enfant lorsque son père[2] l’avait confié à ma soeur
aujourd’hui décédée.
Il faisait plusieurs kilomètres avec son âne pour vendre du
lait à Lkhmiçaate.[3]
Il vivait à la sortie de l’agglomération, sur la route de
dayte rroumi[4].
Un paysan pauvre qui avait perdu son épouse et qui faisait
ce qu’il pouvait pour élever ses enfants, dont Khdija[5] et Tata.
Lorsqu’il apportait du lait, il discutait
souvent avec ma soeur et il lui arrivait de rester prendre un thé avec nous.
Un jour, ma soeur lui avait fait
part de son souhait d’avoir une petite fille dont elle s’occuperait comme si
c’était la sienne.
Il lui avait alors longuement parlé
de Tata.
Et un matin, il était venu avec
elle.
Une enfant qui avait peur de gêner.
Elle avait froid et ne disait pas
grand-chose.
Elle ne parlait pas l’arabe.
Ma soeur lui avait dit quelques
mots en berbère, lui avait offert un beau sourire, une caresse et comme par
enchantement, Tata avait fait immédiatement sa place dans les lieux et dans les
coeurs.
J’allais au collège et vivait chez
ma soeur.
Lorsque je jouais avec mes neveux
ou quand ils s’amusaient entre eux, Tata qui était une enfant souriait je
crois, et nous regardait déjà comme une grande personne, qui avait autre chose
à faire.
Très vite, elle avait appris
l’arabe, devenant bilingue, comme la grande partie de la population. Elle a
toujours fait preuve d’une grande faculté d’adaptation.
Elle faisait des progrès dans
divers domaines, développait facilement des relations avec les autres et
apprenait sans difficulté apparente.
Quant à nous, nous avions tout
simplement du mal à imaginer la maison sans elle.
Quelque chose de très fort a eu
lieu entre elle et ma soeur dès leur rencontre.
Et peut-être même avant.
Lorsque ma soeur est décédée en
1970,[6] elle avait quatre garçons.
L’aîné avait dix ans . La génération de Tata. Une enfant qui est restée pour
s’occuper de tout après le départ de ma soeur.
Avec une volonté, une force, un
courage, une générosité rares et un sens des responsabilités que des personnes
dites « adultes », n’ont pas.
Elle est toujours à la maison.
Elle a épousé le père des enfants
et ils ont eu une fille, aujourd’hui majeure.
Tata lui a donné le prénom de ma
soeur.
Lorsque je pense à Tata, je pense à
ce qu’elle a donné à ma soeur, aux enfants, à leur père, son mari, à beaucoup
d’autres et à moi.
Elle a toujours su recevoir et
donner avec humilité, modestie, confiance et désir de faire de son mieux.
Elle continue.
Sereine.
Pleine d’espoir.
J’invoque le Créateur pour qu’Il la
couvre de Sa Bénédiction ».
Sa
grande soeur a été aussi confiée à une famille.
Elle
a travaillé dur chez d’autres familles par la suite.
Elle
est devenue mère et était installée à la sortie de l’agglomération, sur la
route de dayte rroumii.
Je l’aimais beaucoup, et c’était
réciproque je crois.
De temps à autre, j’avais
de ses nouvelles.
Hier, 12 juillet 2015,[7] j’ai eu Tata au téléphone.
Elle m’a annoncé le décès
de sa grande soeur, suite à un AVC.[8]
« Nous sommes à
Allaah et à Lui nous retournons ».[9]
Qu’Allaah lui accorde Sa
miséricorde.[10]
BOUAZZA
[1] Huit ans.
[2] Décédé, il y a de cela toute une vie.
[3] Khémisset.
[4] Le ʺrʺ roulé.
Le lac de celui qui n’est pas du pays (du blaad, du bled).
[5] Khadiija, Khadija, sa
grande soeur.
[6] Selon le calendrier dit grégorien, à l’age de vingt
huit ans.
[7] 25 ramadaane 1436.
[8] Accident Vasculaire Cérébral.
[9] Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2),
Albaqara 5Le ʺrʺ roulé), La Vache, aayate 156 (verset 156).
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