Seul
Allaah peut percer le secret du vécu intime.
Un
homme de plus de soixante ans semble fouiller du regard, les coeurs de ceux et
de celles qui sont avec lui.
Il
sait que les forces criminelles du colonialisme français au Mghrib[1]
mettent en place des bases d’agressions, commettent des horreurs, et acheminent
d’énormes moyens de destruction.
Il a
choisi la résistance.
Le
jour s’en va.
Une
jeune fille se penche au ruisseau bordé de lauriers roses pour se rafraîchir le
visage.
Elle
regarde les reflets dans l’eau.
C’est
l’une de ses enfants.
Celle
qui a décidé de combattre à ses côtés.
La
nuit survient et couvre une grande étendue de tentes noires à poils de chèvres.
De
loin, les lumières des loupiotes à huile semblent être le reflet des étoiles
sur la terre.
D’un
brasier monte l’odeur du mchoui[2] que
préparent des hommes.
Des
femmes font le pain.
Des enfants s’amusent à côté des flammes qui éclairent des
visages d’où se dégage une paix des cœurs et des sens.
La nuit avance.
Le vieil homme semble renaître.
Il se fait tard.
Le silence s’instaure.
Les parois des tentes se baissent.
Il a laissé la ville de Khniifra[3] :
Vide.
Les murs ne sont que des remparts éphémères.
Comme l’existence ici-bas.
La foi est en lui.
Immémoriale.
Il a failli l’oublier.
Le colonialisme est venu le lui rappeler.
Lui rappeler ce qu’il perdait.
À l’aube, les
troupes attaquent.
Les tentes sont encerclées.
Les canons tonnent.
Les balles crépitent.
La montagne explose, déversant des cavaliers.
Les ombres se rassemblent à l’appel.
Les chevaux hennissent, montent à l’assaut, refluent comme
des vagues, insaisissables, puis remontent.
La marée des cavaliers devient une tempête, avec un vieux
sur un cheval luisant.
L’agresseur est écrasé.[4]
Le vieil homme s’éloigne.
Le temps s’écoule.
Le combat continue.
Beaucoup de compagnons ont quitté l’existence ici-bas.
Le nombre des traîtres augmente et comprend même les fils du
vieux résistant.
Des atrocités sont commises par le colonialisme.
Les pires méthodes de l’occupation sont pratiquées.
La résistance s’affaiblit.
Le
vieil homme fait de longues randonnées à cheval malgré ses soixante dix ans.
Il
vibre d’une profonde vitalité, écoute la musique des cascades, les perdrix qui
cacabent, regarde pendant de longs moments les arbres dont les racines sont
fermement implantées dans la terre, et dans les branches s’élèvent dans les
cieux.
Il contemple les magnifiques cèdres de cette montagne
appelée par d’autres le Moyen-Atlas.
Son être est débarrassé de toute peine.
Il est apaisé.
Serein.
Par moments, sa fille qui résiste comme lui, l’accompagne.
Un soir de 1920, il fallait faire face à une autre attaque.
Affronter encore des traîtres parmi les assaillants.
Des tirs ennemis.
Il est touché.
Moha
Ouhammou reste un moment debout, puis s’effondre sur sa fille, tuée avec
d’autres résistants.
Un
air doux caresse leurs visages et les arbres avoisinants les couvrent de leur
ombrage.
A-t-il saisi le Sens de ce à quoi il s’était
engagé ?
Ce qu’entraîne l’engagement pris avant même qu’il ne
soit ici-bas ?[5]
Et sa fille ?
Et les autres tués ?
Et les autres résistants ?
Et moi ?
Et vous ?
Qu’avons-nous
fait de l’engagement ?[6]
BOUAZZA
[2] Méchoui, chchwaa, viande
grillée.
[4] Il
s’agit de la bataille dite d’Alharri, d’Elherri (le ″r″
roulé) qui a eu lieu le 14 novembre 1914, selon le calendrier dit grégorien.
[5] L’histoire des êtres humains commence avant leur
apparition ici-bas, par leur engagement à la croyance à Allaah.
Ils naissent croyants.
Cela n’empêche pas que des personnes nient
l’engagement par lequel elles ont reconnu qu’Allaah Est leur Seigneur.
En effet, des changements interviennent
tout au long de l’existence ici-bas.
Les uns gardent cette croyance, les autres
la perdent, et certains, selon des modalités différentes, des cheminements
divers, et des voies multiples, y retournent.
Et
lorsqu’une personne après des errements retourne à la croyance à Allaah, c’est
le "retour du cœur dans sa patrie" comme le dit pour ce qui le concerne
Léopold Weiss, qui a choisi de s’appeler Muhammad Asad (Mohammad Açad).
″Et lorsque ton Seigneur tira des reins des fils
d’Aadame leur progéniture et les fit témoigner contre eux-mêmes : ″Ne suis-Je pas votre Seigneur ?″ Ils dirent : ″Si, nous en
témoignons″
Alqoraane
(Le Coran), sourate 7 (chapitre 7), sourate Ala’raaf, L’Enceinte du Paradis,
Les Limbes, aayate 172 (verset 172).
[6] Je ne fais que reprendre
ce dont j’ai déjà parlé.
Voir :
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