vendredi 10 janvier 2014

UN OISEAU TOUJOURS EN VIE


Tes appels téléphoniques contribuent à l’échange que nous essayons d’avoir : il n’est jamais trop tard pour bien faire n’est-ce pas ?
Nous sommes frères, mais chacun s’est débrouillé comme il a pu, en l’absence de l’autre.
Et voilà qu’au crépuscule de notre existence ici-bas, nous cherchons à rattraper le temps perdu.
Rattraper le temps perdu ?
Je sais, le temps perdu ne se rattrape guère.
Ce que je souhaite et tu le sais maintenant, c’est que tu désires, comme moi, que nos coeurs n’oublient jamais ce qui nous a été offert, avant même que nous soyons ici-bas.
Dans mes lettres, je saisis l’occasion pour te transmettre un de mes textes mis sur « le net ».
Cette fois, j’ai choisi de te faire lire « un oiseau toujours en vie ».[1]
« Petit à petit, le nid fait son oiseau ».[2]
L’institutrice s’arrachait régulièrement les cheveux, devenait, petit à petit, une « Cantatrice chauve », tout simplement  parce qu’il refusait de répéter après elle :
« Petit à petit, l’oiseau fait son nid ».
Il n’avait aucun respect pour l’ordre qui, dans la logique de l’institutrice, répond aux « canons de la loi » qui tonnent plus fort et plus longtemps que les canons tout court.
Canons et autres armes de destruction massive utilisés par l’Etat colonisateur,[3] employeur de l’institutrice, pour « pacifier » le pays où l’enfant est né et imposer à certains « petits indigènes » l’histoire de « leurs ancêtres les Gaulois ».[4]
À bout de « patience », l’institutrice a fini par alerter les « autorités compétentes » afin que le nid de l’insoumission cesse d’être le lieu d’accueil de ce « drôle d’oiseau ».
Le nid a été détruit.
L’oiseau, lui, est toujours en Vie.
« Ces populations doivent se mettre à l’heure de notre logique.
Nous devons imposer nos règles.
Notre discipline.
Notre grandeur.
Nous devons les pénétrer profondément.
Avant nous, elles n’avaient rien.
Maintenant, nous allons leur apprendre à acquérir le sens de notre hiérarchie, à comprendre l’immense intérêt de la séparation des pouvoirs et de la distinction entre la vie privée et la vie publique, de la différence entre le profane et le sacré.
Nous allons les éduquer.
Leur montrer la richesse de l’éducatif.[5]
De la démocratie.
De la liberté.
Il nous appartient d’éveiller les consciences.
D’assurer la conscientisation[6] de ces masses incultes et sauvages pour les intégrer à notre civilisation.
Les assimiler.
Nous devons libérer ces populations de leurs servitudes qui s’opposent à notre modernisme.
Les colonies ne se font pas avec des pucelles ou des rosiers.
Ces populations ont besoin des maîtres que nous sommes.
Sans nous, elles ne peuvent pas penser.
Elles ne peuvent pas avancer.
Nous résister est un crime.
Il faut donc être sans pitié avec les criminels.
Nous sommes les missionnaires de la déclaration universelle des droits de l’Homme ».[7]
Les arrières grands-parents maternels et paternels de l’enfant ont résisté.
Ils ont été tués par le colonialisme.
Des massacres.
Des crimes.
Des carnages.
Des horreurs.
Des pillages.
Des tortures.
Des viols.
Des transgressions.
Des humiliations.
La mort semée.
La désagrégation planifiée.
Le désarroi répandu.
Les déséquilibres provoqués.
L’harmonie mutilée.
La décomposition alimentée.
La mémoire infectée.
Les grands-parents, maternels et paternels, dépossédés et chassés, se sont trouvés parqués dans des bidonvilles, prélude au processus migratoire, une transplantation plus dure, plus douloureuse.
Comment expliquer l’oppression, le colonialisme et l’impérialisme qui ont mis en place des systèmes post-coloniaux et néo-coloniaux dits des « indépendances », systèmes qui continuent les crimes les plus abjects, qui terrorisent des populations dominées, pillées, écrasées, maintenues dans la misère, les maladies et autres ?
Comment raconter Filistiine[8] et le système colonialo-impérialo-sioniste ?
Comment parler de la mafia internationale qui alimente et entretient l’imposture partout ?
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Saisir le Sens.
Renforcer le Lien.
Des compagnons du « drôle d’oiseau » continuent leur envol, et entonnent avec lui la Glorification.[9]


BOUAZZA




[1] Le titre était autre.
[2] C’est une expression du défunt Driss Chraïbi (Driis Chchraaïbii).
J’ai utilisé cette expression dans un autre texte que celui-ci, avant la mort de l’écrivain.
[3]  Il s’agit du colonialisme français, qui a été obligé de partager le Maroc avec le colonialisme espagnol et de reconnaître certains ʺdroitsʺ à d’autres forces colonisatrices.
[4] C’était la base de ʺl’enseignementʺ du colonialisme français en Afrique et ailleurs.
[5] Les ducs à tiffes.
[6] La conne-scientisation.
[7] Ces phrases et d’innombrables autres ont été tenues, écrites, publiées, diffusées, appliquées par des criminels qui continuent et continueront d’y recourir, sous une forme ou une autre.
[8] La Palestine.

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