Tes appels téléphoniques
contribuent à l’échange que nous essayons d’avoir : il n’est jamais trop
tard pour bien faire n’est-ce pas ?
Nous sommes frères, mais chacun
s’est débrouillé comme il a pu, en l’absence de l’autre.
Et voilà qu’au crépuscule de
notre existence ici-bas, nous cherchons à rattraper le temps perdu.
Rattraper le temps perdu ?
Je sais, le temps perdu ne se
rattrape guère.
Ce
que je souhaite et tu le sais maintenant, c’est que tu désires, comme moi, que
nos coeurs n’oublient jamais ce qui nous a été offert, avant même que nous
soyons ici-bas.
Dans mes lettres, je saisis
l’occasion pour te transmettre un de mes textes mis sur « le net ».
Cette fois, j’ai choisi de te
faire lire « un oiseau toujours en vie ».[1]
« Petit à petit, le nid
fait son oiseau ».[2]
L’institutrice s’arrachait
régulièrement les cheveux, devenait, petit à petit, une « Cantatrice
chauve », tout simplement parce qu’il refusait de répéter après elle :
« Petit
à petit, l’oiseau fait son nid ».
Il
n’avait aucun respect pour l’ordre qui, dans la logique de l’institutrice,
répond aux « canons de la loi » qui tonnent plus fort et plus
longtemps que les canons tout court.
Canons et autres armes de
destruction massive utilisés par l’Etat colonisateur,[3]
employeur de l’institutrice, pour « pacifier » le pays où l’enfant
est né et imposer à certains « petits indigènes » l’histoire de
« leurs ancêtres les Gaulois ».[4]
À bout de
« patience », l’institutrice a fini par alerter les « autorités
compétentes » afin que le nid de l’insoumission cesse d’être le lieu
d’accueil de ce « drôle d’oiseau ».
Le
nid a été détruit.
L’oiseau,
lui, est toujours en Vie.
« Ces
populations doivent se mettre à l’heure de notre logique.
Nous
devons imposer nos règles.
Notre
discipline.
Notre
grandeur.
Nous
devons les pénétrer profondément.
Avant
nous, elles n’avaient rien.
Maintenant, nous allons leur
apprendre à acquérir le sens de notre hiérarchie, à comprendre l’immense
intérêt de la séparation des pouvoirs et de la distinction entre la vie privée
et la vie publique, de la différence entre le profane et le sacré.
Nous allons les éduquer.
Leur montrer la richesse de
l’éducatif.[5]
De la démocratie.
De la liberté.
Il nous appartient d’éveiller
les consciences.
D’assurer la conscientisation[6] de ces
masses incultes et sauvages pour les intégrer à notre civilisation.
Les
assimiler.
Nous devons libérer ces
populations de leurs servitudes qui s’opposent à notre modernisme.
Les colonies ne se font pas
avec des pucelles ou des rosiers.
Ces
populations ont besoin des maîtres que nous sommes.
Sans
nous, elles ne peuvent pas penser.
Elles
ne peuvent pas avancer.
Nous
résister est un crime.
Il
faut donc être sans pitié avec les criminels.
Nous
sommes les missionnaires de la déclaration universelle des droits de l’Homme ».[7]
Les
arrières grands-parents maternels et paternels de l’enfant ont résisté.
Ils
ont été tués par le colonialisme.
Des
massacres.
Des
crimes.
Des
carnages.
Des
horreurs.
Des
pillages.
Des
tortures.
Des
viols.
Des
transgressions.
Des
humiliations.
La
mort semée.
La
désagrégation planifiée.
Le
désarroi répandu.
Les
déséquilibres provoqués.
L’harmonie
mutilée.
La
décomposition alimentée.
La
mémoire infectée.
Les grands-parents, maternels
et paternels, dépossédés et chassés, se sont trouvés parqués dans des
bidonvilles, prélude au processus migratoire, une transplantation plus dure,
plus douloureuse.
Comment expliquer l’oppression,
le colonialisme et l’impérialisme qui ont mis en place des systèmes
post-coloniaux et néo-coloniaux dits des « indépendances », systèmes
qui continuent les crimes les plus abjects, qui terrorisent des populations
dominées, pillées, écrasées, maintenues dans la misère, les maladies et
autres ?
Comment raconter Filistiine[8] et le
système colonialo-impérialo-sioniste ?
Comment parler de la mafia internationale
qui alimente et entretient l’imposture partout ?
Flots
de pensées.
Averses
d’images.
Afflux
de sensations.
Saisir
le Sens.
Renforcer
le Lien.
Des compagnons du « drôle
d’oiseau » continuent leur envol, et entonnent avec lui la Glorification.[9]
BOUAZZA
[1] Le titre était autre.
[2] C’est une expression du
défunt Driss Chraïbi (Driis Chchraaïbii).
J’ai
utilisé cette expression dans un autre texte que celui-ci, avant la mort de
l’écrivain.
[3] Il s’agit du colonialisme français, qui a été
obligé de partager le Maroc avec le colonialisme espagnol et de reconnaître
certains ʺdroitsʺ à d’autres forces colonisatrices.
[4] C’était la base de
ʺl’enseignementʺ du colonialisme français en Afrique et ailleurs.
[5] Les ducs à tiffes.
[6] La conne-scientisation.
[7] Ces
phrases et d’innombrables autres ont été tenues, écrites, publiées, diffusées,
appliquées par des criminels qui continuent et continueront d’y recourir, sous
une forme ou une autre.
[8] La Palestine.
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