J’ai
reçu ce matin, ta lettre datée du 17 janvier.
La
situation de ton fils, mon neveu, te préoccupe et je comprends ton désarroi de
père.
Dans
le parcours des uns et des autres, il n’est pas aisé de saisir ce qui peut
aider.
Comment
parler de l’impermanence d’ici-bas ?
Que
dire de la permanence de l’au-delà ?
Tout
est dans le Message d’Allaah, mais nous le négligeons.
Si à
un moment ton fils a pensé trouver, comme tu me l’écris, du réconfort dans
Alqoraane, je souhaite qu’il approfondisse cette démarche afin de comprendre,
petit à petit, les enseignements pour poursuivre sa marche dans la bonne Voie.
En
effet, Allaah nous offre Son Message pour nous guérir de tous les maux.
Mais
que faisons-nous de ce Message ?
Mon
neveu, ton fils, te reproche de ne pas avoir amassé des biens de ce monde pour
le mettre à l’abri du besoin et lui permettre de mener « la belle
vie ».
Nous
avons énormément de mal à saisir que c’est Allaah qui met à l’abri du besoin et
que la belle vie est celle que vont vivre ceux et celles à qui Allaah aura
accordé Sa miséricorde le Jour du Jugement.
Á
l’âge de ton fils, même s’il a plus de vingt ans, il est encore plus difficile
de comprendre cela.
Pourtant,
nous sommes RESPONSABLES de nos actes dès la puberté.
Faisons-nous
de notre mieux pour Adorer
Allaah,
comme Allaah le demande ?
NON.
Mohammad,
l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix nous dit :
« Qu’ai-je
à faire avec les biens de ce monde ?
Je
suis comme un voyageur qui s’étend à l’ombre d’un arbre ; le soleil en
tournant le rejoint, et il quitte cet arbre pour n’y plus revenir ».
Tu
peux, si tu l’estimes utile, faire lire ces quelques lignes à mon neveu à qui
je souhaite la guérison et le succès dans la Voie d’Allaah.
Ibn
‘Abbaas qu’Allaah le bénisse a dit : « Un jour, je me trouvais
derrière
le
Prophète sur lui la bénédiction et la paix et il a dit :
« Ô
jeune homme, je vais t’enseigner quelques paroles : Sois attentif envers
Allaah, Il te protégera. Sois attentif envers Allaah, tu Le trouveras à tes
côtés. Si tu demandes, demande à Allaah et si tu sollicites, sollicite Allaah
et sache que si la communauté se réunissait pour qu’ils t’apportent un
quelconque bienfait, ils ne t’apporteront que ce que Allaah a inscrit pour toi.
Et s’ils se réunissent pour te nuire par quelque chose, ils ne te nuiront que
par ce que Allaah a inscrit pour toi. Les plumes
sont
rangées et les feuilles
ont
séché ».
Dans
une autre version :
« Sois
attentif envers Allaah, tu le trouveras devant toi. Rappelle-toi d’Allaah dans
l’aisance,
Il se
rappellera da toi dans la gêne.
Et
sache que ce qui t’a manqué, n’était pas pour t’atteindre et ce qui t’atteint,
n’était pas pour te manquer. Et sache que la victoire est avec l’endurance, le
soulagement suit l’affliction et qu’après la difficulté
vient la facilité
».
Dans
ta lettre, tu m’écris qu’Allaah peut pardonner nos égarements.
Heureusement
pour nous cher frère, autrement, que pouvons-nous faire sans la miséricorde de
notre Créateur ?
Allaah
ne pardonne pas l’associationnisme,
et
pardonne le reste à qui Il veut.
Á
nous donc de faire de notre mieux pour bénéficier du pardon d’Allaah.
Tu
me parles aussi de ton prochain livre que tu penses m’envoyer : je
l’attends et ne manquerai pas de te dire ce que j’en pense, ine chaa-e Allaah.
De
mon côté, je continue, comme dans d’autres lettres, de te faire part de
quelques textes que j’ai mis sur « le net », une manière peut-être de
t’associer à « quelque chose » qu’il ne m’a pas été donné de partager
avec toi en temps voulu.
« Il
m’arrive, parfois, de penser à lui, dans sa blouse grise, se déplaçant dans la
cour de l’établissement, comme s’il était « ailleurs ».
Et
j’ai alors l’impression d’entendre la douceur des sons de son violon qui me
parvenaient dans la salle au dessus de celle où il donnait des cours de
musique.
Il
avait passé de nombreuses années à Lkhmiçaate.
Il
était vieux et paraissait fragile.
Rien
à voir avec son épouse,
qui
impressionnait tous les élèves.
Très
grande, la voix ferme, les traits sévères, le chignon strict, la veste
masculine, les chaussures noires d’homme et le grand cartable en cuir sombre.
Après
le cycle primaire, je l’ai eu comme professeur au début du secondaire.
Le
même établissement scolaire
accueillait les deux cycles.
Son
époux venait de mourir je crois.
L’enterrement
n’avait pas eu lieu en France, leur pays, mais à Lkhmiçate, à « qbour
nsara »,
le cimetière des français.
Chaque
année, cette femme préparait une sorte de « rendez-vous » qui
comptait énormément pour elle.
Pendant
les mois de scolarité, elle s’intéressait à tous les élèves de l’établissement,
observait, posait des questions, notait des noms.
Et
au mois de décembre du calendrier dit grégorien, à l’occasion des fêtes dites
de Noël, elle utilisait le réfectoire pour organiser un goûter aux élèves dont
elle avait noté les noms tout le long de l’année, et leur distribuait des
chaussures d’hiver
.
De
belles chaussures pour chauffer leurs pieds.
Beaucoup
d’autres élèves en avaient besoin bien sûr, elle l’a toujours su, mais elle ne
pouvait pas chausser tout le monde.
Les
moyens dont elle disposait lui imposaient de ne choisir que quelques dizaines
d’élèves. Ceux qu’elle estimait être les plus nécessiteux.
Des
saisons ont succédé aux saisons et un jour en France, mon épouse professeur, a
invité une de ses collègues et son compagnon.
Il
était beaucoup plus âgé qu’elle.
Il
avait plus de soixante dix ans et elle était trentenaire.
Ayant
appris que j’étais élève à Lkhmiçaate, il s’était mis à me parler de
l’enseignant de musique et de son épouse qui prenait soin des pieds des élèves
les plus pauvres.
Sa
cousine.
Elle
avait regagné la France et vivait avec ses souvenirs dans un petit coin du
pays.
Il
m’avait donné son adresse et nous avions échangé quelques lettres.
Je
lui avais parlé de son époux
et
elle avait trouvé mon style émouvant.
Lui
avais-je parlé des pieds chauffés ?
Je
ne pense pas.
Elle
est peut-être décédée depuis.
Son
cousin aussi.
Nous
sommes à Allaah et à Lui nous retournons ».
BOUAZZA
″Quiconque associe quoi que ce soit à Allaah, c’est
comme s’il tombait du ciel et que les oiseaux le happaient ou que le vent le
précipitait dans un abîme sans fond″.