Lorsque le véhicule est arrivé à
la « téci »,[1] la
fête battait son plein comme disent les « loisgau ».[2]
Tout va bien se passer, ine
chaa-e Allaah.[3]
Chez les parents du marié, un de
leurs amis anime, à sa manière, un échange avec François, un homme de gauche
qui parle des immigrés.
Après un rappel de prises de
positions, de résolutions des congrès du parti et de contre résolutions,
François pensait avoir fait de l’effet :
- Tu comprends maintenant que
nous avons raison.
Alors, je vais parler avec
franchise.
- Ji croyi qui ji boufi barli
oussi, mi si ti fou barli afic Franchise, ji ti lisse.
- Non, tu n’as pas compris ce que
je veux dire.
Franchise ce n’est pas le nom
d’une personne, c’est une expression.
Cela signifie parler clairement.
- Mi ji sui bite.
- Non, tu n’es pas bête, c’est
une incompréhension, c’est tout.
Les subtilités de la langue, ce
n’est pas évident.
Bon, je vais éviter ce qui est
complexe.
Je ne vais pas reprendre les
trois points que j’ai développés, mais il faut retenir les trois.
La problématique migratoire en
fait est simple, il suffit d’une approche objective, tu vois ?
Au fait tu permets que je te
tutoie ?
- Toi toui moi ?
-Non, moi je ne suis pas toi et
toi tu n’es pas moi, ça c’est sûr, c’est certain.
Moi c’est moi et toi c’est toi.
-Toi fouloir toui moi
- Non, pas du tout, moi pas
vouloir tuer toi, je veux dire que je ne veux pas te tuer.
Tutoyer au lieu de vouvoyer,
c’est plus sympathique.
- Saint Batique, ji foi.
- Tu vois, alors c’est bien.
Toi par exemple, est-ce que tu es
assimilé ?
- Non, ji ni sui ba assis-mili.
- Est-ce que tu es intégré ?
- Non, ji ni sui ba in tigri.
- Est-ce que tu es inséré ?
- Non, ji ni sui ba in ciri.
- Est-ce que tu es
syndiqué ?
- Non, ji ni sui ba saint Diki.
- Tu es donc pour l’islam.
-Ji sui bour lisse lame, ça
coube.
- Pour couper, ça coupe, et la
¨cité ?
- Lalla citi,[4] ji
couni.
- La gauche veut la fleurir.
-Ci coua la gouche ?
- Le contraire de la droite.
Nous la gauche, nous défendons
réellement la laïcité qui renforce l’insertion et l’intégration pour déboucher
sur l’assimilation.
- À coua ?
- À la République.
- La ri-biblique ?
La droite dit la même chose, mais
ce n’est pas pareil.
Nous l’expliquons clairement dans
notre brochure qui est en vente partout.
J’en ai plein dans le coffre de
ma voiture.
Si tu veux, nous pouvons saisir
l’occasion de cette fête pour la vendre ensemble.
L’assistance autour a dépassé le
stade de l’hilarité.
En face du balcon, un chat dort.[5]
Tout le monde connaît l’humour de
l’ami des parents du marié, docteur d’université en droit, et personne ne
comprend comment François peut continuer à faire le sérieux.
- Alors on va la chercher cette
brochure.
-Ine outre foi moun zami.
- Une autre fois, une autre fois,
toujours une autre fois…inchala[6]…
Mais pourquoi ils rient tous
comme ça ?
Ce n’est pas drôle, ils ne
comprennent rien ou quoi ?
Savez-vous que moi, c’est pour
vous que je fais tout ça ?
Oui pour vous, que vous le
vouliez ou non.
Et j’aimerais savoir ce que vous
pensez, s’il vous arrive de penser bien sûr.
Une personne est alors intervenue
pour éloigner François :
- Nous pensons que la mariée et
son époux sont à voir.
Elle s’appelle Clémence et lui
Bilaal.
Ils restituent une immémoriale
harmonie, qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident.
Chaque fois que je suis dans un
cadre pareil, je sens une éclosion des sens, la mère du printemps, une
naissance à l’aube et un ruissellement de paix.
François avait l’air d’écouter,
mais n’entendait pas.
Il ne pensait qu’à son allure
d’homme de gauche, agissant sur les événements.
Il est important et les masses
vont voir qu’il fait partie des Grands.
Et à l’école, les enfants
apprendront son Histoire.
Avec hache majuscule.[7]
BOUAZZA
[1] Cité.
Vocable
désignant un ensemble de bâtiments délabrés, pour personnes reléguées en marge
de la ville.
[2] Les
gaulois.
C’est ainsi que les jeunes
de la cité, des français issu du processus migratoire, désignent les français
dits de souche.
[3] Si Allaah veut.
[4] Dame-cité.
Un
″tchador″ c’est un
terme iranien, très employé par la gauche et la droite, pour renvoyer au
foulard porté par des croyantes pour se couvrir les cheveux.
Il
est considéré par la gauche et la droite, ennemis des croyantes et des croyants,
comme une atteinte intolérable aux ″droits des
femmes″.
Ces
ennemis usent aussi du terme ″voile″ avec des connotations de mépris, des attaques, des
insultes, des dénigrements, des injures, des accusations, des mensonges, des
calomnies, des falsifications, des maltraitances, des humiliations, des
marginalisations, des menaces, et de multiples autres agressions.
Des
textes ont été mis en place pour interdire le ″tchador″, le ″voile″, le foulard dans des lieux dits publics de la
ré-pub-lique.
[6] Intégré
comme mot (et non comme expression) dans le parler français et utilisé, dans un
sens qui n’a rien à voir avec la signification originelle, par les
colonialistes au départ puis par d’autres par la suite, pour ″traduire″ que les indigènes de pays colonisés y avaient recours,
lorsqu’ils ne voulaient pas faire quelque chose.
Une manière ″polie″
de dire non, une façon qui veut dire en fait : tu peux toujours attendre.
Dans certaines régions
comme le Maroc, ces indigènes ont été appelés ″les
béni oui oui″ (les enfants de
oui oui) par les colonialistes, car ils répondaient toujours ″oui oui″ et n’osaient jamais répondre non.
[7] Je
reprends ce dont j’ai déjà parlé plus d’une fois et en premier lieu dans un
texte de plusieurs dizaines de pages, daté de 1992 et intitulé "Ainsi
parle un musulman de France né au Maroc".
Voir :
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