samedi 20 juillet 2013

« BERBÉRITUDE »

Autrefois, il y a de cela un demi siècle,[1] nos jeux d’enfants dans le quartier étaient entrecoupés par des courses chez l’épicier, chez le marchand de légumes et de fruits et au four public[2] pour déposer le pain à faire cuire et aller le prendre avant l’heure du repas.
Mais même pour faire les courses, nous nous amusions à n’en plus finir.
De temps à autre, pendant les jeux, nous apercevions une petite fille sur un âne, guidé par une servante, sillonnant le quartier.
C’était la fille d’une française qui a épousé un médecin marocain.
J’ai appris plus tard que le médecin, une relation de mon père, tenait à faire goûter à sa fille les joies des randonnées à dos d’âne, en pleine « ville nouvelle »[3] de Mknaas,[4] marquant ainsi son profond attachement à ce qu’il appelait sa « berbéritude ».[5]

 BOUAZZA


[1] J’avais treize ans.
[2] Lfrraane (le r roulé).
[3] Les villas à hmria″ (le r roulé), réservées aux colonialistes français regroupés en ville nouvelle, commençaient à être occupées par plus de marocains qu'avant ce qui a été appelé l’indépendance dans l’interdépendance (statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États", toujours en place en Afrique et ailleurs, sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au Maroc, colonie française dite protectorat, le sultan, protégé est ainsi devenu roi au service du système colonialo-impérialo-sioniste.
Les gens de l’ancienne ville (lmdina, la médina)  appelaient ces marocains installés à la place des colonialistes français, nçaaraa jdaad (le "r" roulé), pluriel de "nçraanii", nazaréen, chrétien, non-musulman, français.
Il s’agissait donc de nouveaux nazaréens, chrétiens, non-musulman, français.
[4] Meknès.

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