Autrefois, il y a de cela un demi
siècle,[1] nos
jeux d’enfants dans le quartier étaient entrecoupés par des courses chez
l’épicier, chez le marchand de légumes et de fruits et au four public[2] pour
déposer le pain à faire cuire et aller le prendre avant l’heure du repas.
Mais même pour faire les courses,
nous nous amusions à n’en plus finir.
De temps à autre, pendant les
jeux, nous apercevions une petite fille sur un âne, guidé par une servante,
sillonnant le quartier.
C’était la fille d’une française
qui a épousé un médecin marocain.
J’ai appris plus tard que le
médecin, une relation de mon père, tenait à faire goûter à sa fille les joies
des randonnées à dos d’âne, en pleine « ville nouvelle »[3] de
Mknaas,[4] marquant
ainsi son profond attachement à ce qu’il appelait sa « berbéritude ».[5]
BOUAZZA
[1] J’avais treize ans.
[3] Les
villas à ″hmria″ (le ″r″ roulé), réservées aux colonialistes
français regroupés en ″ville
nouvelle″, commençaient à être
occupées par plus de marocains qu'avant ce qui a été appelé ″l’indépendance dans
l’interdépendance″ (statut
octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans
les colonies par la multiplication des "États" supplétifs,
subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans
l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États", toujours en place en Afrique et ailleurs,
sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la
corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage,
l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement,
la négation de l’être humain.
Au Maroc, colonie française
dite ″protectorat″, le sultan, protégé est ainsi
devenu roi au service du système colonialo-impérialo-sioniste.
Les gens de l’ancienne
ville (lmdina, la médina) appelaient ces
marocains installés à la place des colonialistes français, ″nçaaraa jdaad″ (le "r" roulé), pluriel de "nçraanii",
nazaréen, chrétien, non-musulman, français.
Il s’agissait donc de
nouveaux nazaréens, chrétiens, non-musulman, français.
[4] Meknès.
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