samedi 16 novembre 2013

ET J’EN PARLERAI ENCORE ET ENCORE INE CHAA-E ALLAAH



Tu n’arrives pas à entretenir une correspondance.
Pour ce qui me concerne, je vais essayer de continuer à maintenir le contact, même en l’absence de répondant.
Je pense n’avoir jamais privé une personne de réponse à son courrier.
Et même lorsqu’il n’y a pas réciprocité, je fais de mon mieux afin d’éviter de rompre des relations, lorsque cela est possible.
C’est dire que de temps à autre, ine chaa-e Allaah, je te ferai signe, « pour t’entretenir de choses et d’autres ».
Rappeler, encore rappeler, toujours rappeler.
L’Essentiel.
Tu le sais.
Je te parle de « nous », à travers mon cheminement dans ce que je cherche à améliorer, à partager, à transmettre.
Il y a un certain temps déjà, dans un court texte intitulé « La route de la soie », j’ai parlé de mon « élevage » de vers à soie.
Je me régalais, écrivais-je, avec des camarades, de délicieux fruits blancs et presque noirs, des magnifiques mûriers de la cour de récréation de l’établissement scolaire de Lkhmiçaate,[1] au Maroc.
Je me servais aussi et surtout des feuilles de ces arbres pour alimenter des vers à soie.
En effet, dans mon casier d’interne, en salle d’étude, j’avais, comme certains autres élèves, une boîte en carton qui contenait mon « élevage ».
Cette activité était importante pour moi.
Les moments que j’appréciais le plus étaient ceux où le ver à soie[2]commençait à façonner le cocon, s’isolait petit à petit, puis disparaissait entièrement en attendant sa transformation en papillon.
Je me revois penché sur ma boîte en train d’observer attentivement « l’élevage » à chaque étape de son évolution.
Instants extraordinaires.
Ma « route de la soie » allait des superbes mûriers de la cour de l’établissement scolaire,[3] au casier en salle d’étude.
Un parcours merveilleux.
Je ne connaissais pas encore des récits sur Samarkand par exemple, en Asie Centrale, en lien avec la « route de la soie », mais je pouvais en faire d’infinis en lien avec mon « élevage ».
Et ils n’étaient pas sans intérêt.
Ils pouvaient tenir en haleine et faire rêver beaucoup de ceux qui n’ont pas connu cette « aventure ».
Elle m’a procuré de magnifiques sensations et m’a certainement aidé à mieux comprendre que les itinéraires, même « sur place », peuvent être fabuleux.
J’y repense de temps à autre.
À cette époque, il y a un demi siècle, mon observation des signes[4] était plus limitée qu’elle ne l’est aujourd’hui, quant à ma capacité d’en tirer des enseignements.
Je n’étais pas encore en mesure de saisir le Sens, en regardant un ver à soie dans le fabuleux cycle de la création d’Allaah.
Je ne saisissais pas comment l’observation de l’évolution de cet « élevage », pouvait m’aider dans mon parcours, à consolider le Lien.
Bref, je ne percevais pas encore l’importance du Sens et du Lien dans la Voie d’Allaah.
Les signes, cher frère, sont partout.
L’infinie miséricorde d’Allaah nous aide à les observer et à réfléchir.[5]
Il m’arrive, par exemple, d’observer longuement mes mains et de me plonger dans une profonde méditation sur les signes.
Cela doit t’arriver aussi, certainement.
Méditation qui débouche, souvent, sur ma marche dans l’impermanence d’ici-bas, vers la permanence de l’au-delà et je fais ce que je peux,[6] cher frère, pour devenir meilleur.
Comment y parvenir ?
Lorsque j’ai quitté le Maroc et que je me suis installé en France, avec mon épouse et nos enfants, j’ai voulu fuir des troubles et des pratiques condamnables.[7]
Je ne savais pas comment me situer, comment lutter, comment résister.
Je craignais de sombrer dans le marécage, de devenir une ordure, de ne pas échapper à la pourriture.
Quelles étaient mes convictions réelles ?
Quelles étaient mes vraies motivations ?
Quelle idée avais-je de la suite ?
C’était flou.
J’étais inquiet.
Au Maroc, j’avais peur pour mon épouse et nos enfants.
L’atmosphère me devenait lourde.
Tout me paraissait faussé.
Quelle était la part des facteurs personnels ?
La part des facteurs familiaux ?
La part des facteurs sociaux ?
J’avais hâte de quitter le pays de «l’indépendance dans l’interdépendance».[8]
«L’évasion » a eu lieu.[9]
Nous nous sommes installés en « métropole»[10].
Le temps s’est écoulé depuis mon « élevage » à l’internat.
Les saisons ont succédé aux saisons.
Je suis revenu, je pense, plus profondément à mon «intériorité», [11] par la miséricorde d’Allaah, afin de mieux observer, de mieux réfléchir, de faire de mon mieux pour Adorer[12] Allaah, comme Allah le demande.
« Par le soleil et par sa clarté.
Par la lune quand elle le suit.
Par le jour quand il l’éclaire.
Par la nuit quand elle l’enveloppe.
Par le ciel et par Celui qui l’a construit.
Par la terre et par Celui qui l’a étendue.
Par l’âme et par Celui qui l’a harmonieusement façonnée.
Et lui a inspiré son immoralité et sa piété.
A réussi celui qui l’a purifiée.
Et a perdu celui qui l’a corrompue ».[13]
Je te parle toujours de la même chose.
Je le sais.
Et je t’en parlerai encore et encore ine chaa-e Allaah.[14]
 
BOUAZZA


[1] Khémisset, en région Zmmour (Zemmour), le r roulé.
[2] Doudate lqzz.
[3] Mouçaa Ibn Noçaïr, le r roulé.
C’était une école primaire dite "franco-musulmane" au temps du colonialisme français, à laquelle s’est ajouté le collège.
L’établissement est devenu lycée par la suite.
Lors de mon retour à Lkhmiçaate de 1977 à 1981, j’ai pu obtenir avec l’aide d’un ami de mon père, un poste d’enseignante contractuelle pour mon épouse, dans ce lycée.
Détentrice d’une maîtrise d’italien (langue qu’elle a enseignée dans un collège en France) et d’une licence de français, elle a interrompu son activité d’enseignante en France pour m’accompagner.
De retour en France, elle a eu un poste d’enseignante dans le secondaire, jusqu’à sa retraite.
[4] Aayaate.
[5] Alqoraane (Le Coran), sourate 45 (chapitre 45), Aljaathiya, L’Agenouillée, aayate 5 (verset 5).
[6] C’est ce que demande le Seigneur des univers (Rabb alaalamiine) à chacun et à chacune d’entre nous.
[7] Je rappelle et je rappellerai encore et encore ine chaa-e Allaah.
[8] Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au Maroc, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat en monarchie héréditaire, dite de "droit divin" et le sultan, devenu roi, est au service de ce système.
[9] J’ai quitté le Maroc en août 1981, après un certain temps dans le secteur dit public″, que j’ai abandonné pour effectuer un stage d’avocat (que je n’ai pas terminé) au cabinet mis en place par mon père, à sa retraite de magistrat.
Ce stage me servait surtout à préparer mon retour en France, retour auquel je pensais.
J’ai mis presque deux ans pour réaliser mon projet d’évasion.
Quelques jours avant mon départ, je recevais encore des personnes au cabinet et je déambulais, en robe noire (introduite aussi au Maroc par le colonialisme) au tribunal où l’avocat est à la justice, ce que la prostituée est au proxénète.
Je suis parti un matin.
En plein été.
En pleine lumière.
Quelques semaines seulement venaient de s’écouler depuis des événements sanglants du mois de juin 1981, à Ddaar Lbidaa (La Maison Blanche, Casablanca) et dans d’autres villes, contre le régime de l’imposture :
Les hommes, les femmes, les enfants en marche.
L’arsenal du maintien de l’ordre.
La panoplie répressive.
Les milliers d’arrestations.
Les camps de détention et de torture.
Les blessés et les tués.
Les procès en vertu de la loi colonialiste sur les manifestations contraires à l’ordre et réprimant les atteintes au respect dû à l’autorité.
(Loi du 29 juin 1935, mise en place par la France colonialiste au Maroc colonisé, et appliquée par le régime de  l’imposture, de l’indépendance dans l’interdépendance, contre les indigènes).
Dans le taxi qui m’emmenait à l’aéroport, j’avais hâte d’être dans l’avion.
J’ai quitté le Maroc pour ramener mon épouse au pays qu’elle a quitté afin de m’accompagner, pour protéger nos enfants et je le dis en mots que je n’étais pas en mesure d’utiliser à l’époque, pour ne pas me faire vider de ce qui me remplit avant même que je ne sois de ce monde.
J’ai quitté le Maroc une première fois, après le baccalauréat, pour des études universitaires en France où je suis resté de 1970 à 1977.
J’y suis retourné et au bout de quatre ans, je l’ai quitté avec mon épouse et nos deux fils  pour nous installer en France où nous sommes encore, par la grâce du Seigneur des univers (Rabb al’aalamiine).
[10] En France, pays où j’étais donc déjà venu pour des études universitaires et où j’avais rencontré l’étudiante, native de la Drôme, devenue mon épouse et mère de notre premier fils.
Notre deuxième fils est né au Maroc.


Il m’a fallu pratiquement trois années pour décrocher un emploi stable qui, bien entendu, n’avait pas le titre valorisant de celui du Maroc, mais dans ce domaine, je savais ce qui m’attendait en revenant ici et mon but n’était pas de faire carrière
Nous sommes revenus ici il y a 32 ans.
Nous sommes installés dans ce pays où sont nos enfants et nos petits enfants.
La louange est à Allaah (alhamdo lillaah).
[11] Une reconquête ?
[12] Adoration, ‘ibaada.
[13] Alqoraane (Le Coran), sourate 91 (chapitre 91), Achchamç, Le Soleil, aayate 1 à aayate 10 (verset 1 au verset 10).

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