La limousine, il y pense sans cesse.
Son amour pour elle n’a pas changé.
Les mille et une qualités qui la distinguent sont imprimées
en lui.
Sur un banc en retrait, il l’aperçoit.
Il ne voit pas la foule bigarrée
à proximité et reste sourd au vacarme.
Dans une banlieue décriée,[1]
où il a travaillé de longues années à la chaîne,[2] il y
a affluence devant la Mairie.
Un couple originaire du Maroc de
« l’indépendance dans l’interdépendance »,[3] attend,
dans un bruit assourdissant, pour accéder à la salle des mariages.
Attroupement.
Bousculade.
Tambourins[4].
Des types en tuniques de là-bas
et babouches, alimentent un tapage que d’aucuns trouvent « exotique ».[5]
Des « artistes »
indigènes[6].
Des femmes lancent des
« you-you »[7]
stridents en se trémoussant et en se tortillant.
Garée bien en vue devant
l’édifice, la limousine de location nourrit le fantasme de la « réussite ».
Étranger à cette agitation, le vieillard
sur le banc poursuit sa remémoration, un rictus sur les lèvres.
Les pigeons à proximité partent
dans un envol majestueux.
Le rictus du vieillard devient un
sourire, puis un rire, se confondant avec le claquement des ailes.
Le voilà dans son village natal, devant
le plateau de Millevaches[10] dans
le Limousin,[11] où lui parvient la fantastique
musique du meuglement de la limousine.[12]
BOUAZZA
Banlieue dite d’Habitations
à Loyers Modérés (H.L.M.) utilisées pour entasser des familles issues du
processus migratoire (principalement d’Afrique du Nord et d’autres régions
d’Afrique), elle est dite ″zone
de non-droit″ par ceux et
celles qui veillent sur l’étable de la loi (les tables de la loi).
[2] Dans une usine de
construction de voitures.
[3]
Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste et qui s’est
traduit, dans les colonies, par la multiplication des "États"
supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de
servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la
trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche,
le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la
torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Instrument de musique fait d’une roue de bois
(ou de plastique) et de peau d’animal (ou artificielle) tendue.
[6] Vocable désignant les
populations originaires des colonies.
[7]
Zghariites (le ″r″ roulé), cris manifestant une
participation bruyante à un événement considéré comme important.
[8] Terme
intégré au français pour désigner, avec le mépris colonialiste, une famille
dite arabe, forcément nombreuse et donc lourde et envahissante.
Population d’un village au Maroc.
[10] Miuvachas disait sa
grand-mère maternelle en occitan.
[11] Dans le plateau central,
en Corrèze.
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