Mon
deuxième fils était en ma compagnie ce matin 31 décembre 2013,[1] lorsque
j’ai reçu ta lettre qu’il a lue aussi.
Nous
avons parlé de toi à son fils, qui va bientôt avoir deux ans, ine chaa-e
Allaah, qui passe la journée et la nuit à la maison et qui, en ce moment, joue
avec mon épouse, sa grand-mère.
Je
suis toujours content de te lire et de bénéficier de ta manière d’appréhender
certains points.
Les
lettres sont rarement remises aux destinataires par « les services de la
poste » au Maroc, mais je prends encore le risque de t’adresser celle-ci à
ton adresse à Rbaate[2] :
j’espère qu’elle va te parvenir et que d’ici-là, notre neveu t’aura remis les
documents que je lui ai confiés pour toi et pour ton dernier fils.
Ton
travail sur ce que tu appelles « la civilisation Amazigh[3] du
dedans », va te permettre d’approfondir ce que tu as commencé, et mettre
peut-être en relief ton militantisme, comme tu l’écris, pour l’humain et
l’humanisme.
Cher
frère, quand tu me parles des jeunes de Zmmour,[4] je suis
transporté dans « le jadis » de mon adolescence, avec une
« gigantesque mélancolie de l’autrefois, quand tout était à commencer,
tout à espérer. Naissance à soi et au monde ».[5]
Je
repense à un texte que j’ai mis sur le net :
Au
sous-sol d’un bâtimentMon deuxième fils était en ma compagnie ce matin 31 décembre 2013,[1]lorsque j’ai reçu ta lettre qu’il a lue aussi.
Nous avons parlé de toi à son fils, qui va bientôt avoir deux ans, ine chaa-e Allaah, qui passe la journée et la nuit à la maison et qui, en ce moment, joue avec mon épouse, sa grand-mère.
Je suis toujours content de te lire et de bénéficier de ta manière d’appréhender certains points.
Les lettres sont rarement remises aux destinataires par « les services de la poste » au Maroc, mais je prends encore le risque de t’adresser celle-ci à ton adresse à Rbaate[2] : j’espère qu’elle va te parvenir et que d’ici-là, notre neveu t’aura remis les documents que je lui ai confiés pour toi et pour ton dernier fils.
Ton travail sur ce que tu appelles « la civilisation Amazigh[3]du dedans », va te permettre d’approfondir ce que tu as commencé, et mettre peut-être en relief ton militantisme, comme tu l’écris, pour l’humain et l’humanisme.
Cher frère, quand tu me parles des jeunes de Zmmour,[4]je suis transporté dans « le jadis » de mon adolescence, avec une « gigantesque mélancolie de l’autrefois, quand tout était à commencer, tout à espérer. Naissance à soi et au monde ».[5]
Je repense à un texte que j’ai mis sur le net :
, attenant à la lingerie,[8] un local servait de « bibliothèque » non accessible aux élèves, sauf lorsque les enseignants chargeaient l’un d’entre nous d’aller chercher des cartes pour un cours d’histoire-géographie.[9]
, attenant à la lingerie,[8] un local servait de « bibliothèque » non accessible aux élèves, sauf lorsque les enseignants chargeaient l’un d’entre nous d’aller chercher des cartes pour un cours d’histoire-géographie.[9]
La
personne qui trônait dans ce local était un monsieur obèse, aux yeux globuleux,
toujours en jllaaba.[10]
Il
était connu de tous les élèves pour son poids, sa respiration haletante, sa
vieille mobylette qui le portait et lui permettait ainsi d’arriver jusqu’à
l’établissement.
Son
fils était scolarisé au collège, et ne semblait pas apprécier que son père y
soit employé.
J’ai
appris par la suite que le proviseur lui avait offert, je ne sais pour quelle
raison, ce modeste emploi, dont il n’avait peut-être pas spécialement besoin.[11]
Il
devait avoir la quarantaine, et parlait souvent en français.
De
temps à autre, il lui arrivait d’assurer la surveillance des élèves dans leur
salle de cours, lorsqu’un enseignant était absent.
C’est
ainsi qu’il s’est trouvé un jour, dans la classe où j’étais.
Il
avait alors décidé de nous faire une dictée.
Le
titre, je m’en souviens parfaitement, était « Jardin » qu’il lisait
« jaaaaardiiiiinnnnn ».[12]
Je
ne me rappelle pas du reste du texte.
Après
avoir lu le titre, il nous a fixé avec ses yeux globuleux, et répété d’une voix
aussi grosse que lui :
─ Je
relis : jaaaaardiiiiinnnnn.[13]
Avec
le camarade qui était à côté de moi, nous avons fait un effort surhumain pour
retenir notre rire.
Le
reste de la classe aussi.
Il
nous a jeté un regard menaçant, a relu, s’est tu un moment, puis a
repris :
─ Je
rerelis : jaaaaadiiiiinnnnn.[14]
Toute
la classe alors, comme un seul élève, a éclaté de rire.
Il
ne comprenait pas.
Après
un long silence, il s’est adressé à nous en arabe en disant quelque chose
comme :
─ Si
j’attrape quelqu’un en train de rire, je m’assois dessus.
Sa
phrase à peine terminée, a été suivie d’une explosion de rire de toute la
classe.
Au
lieu de jeter un effroi, la menace d’un énorme poids au dessus de l’un d’entre
nous, a provoqué l’hilarité.
Pendant
longtemps, cette hilarité a été transmise à d’autres camarades et entretenue
par des blagues se rapportant au physique impressionnant du responsable de
« la bibliothèque ».
Peu
de temps après, pas pour cette raison, il a quitté l’établissement.
Je
crois que je ne l’ai plus revu.
Mon
épouse et moi sommes contents d’apprendre que pour ta femme,[15] tu
assures les fonctions d’infirmier de garde, en veillant à lui créer toutes les
ambiances de calme et de sérénité.
Meilleurs
souhaits.
BOUAZZA
[1] Selon le calendrier dit
grégorien.
[2] Rabat.
[3] Berbère.
[4] Zemmour (le ʺrʺ roulé).
[5] Driss Chraïbi, (Driis
chchraaïbii) la Civilisation ma
Mère !..., Paris, éditions Denoël, 1972.
[6]
Mouçaa Ibn Noçayr (le "r" roulé).
C’était
une école primaire dite "franco-musulmane" au temps du colonialisme français, à
laquelle s’est ajouté le collège.
L’établissement
est devenu lycée par la suite.
Lors
de mon retour à Lkhmiçaate de 1977 à 1981, j’ai pu obtenir avec l’aide d’un ami
de mon père, un poste d’enseignante contractuelle pour mon épouse, dans ce
lycée.
Détentrice
d’une maîtrise d’italien (langue qu’elle a enseignée dans un collège en France)
et d’une licence de français, elle a interrompu son activité d’enseignante en
France pour m’accompagner.
De
retour en France, elle a eu un poste d’enseignante dans le secondaire, jusqu’à
sa retraite.
[7] Khémisset.
[8] Où il
m’arrivait de me rendre pour saluer la lingère, et l’écouter me parler d’un
membre de sa famille, footballeur professionnel en France.
Il
s’agissait de Haçane Aquesbii (Hassan Akesbi) qui après des années de joueur
professionnel en France est revenu au Maroc où il a entraîné des équipes parmi
lesquelles l’Ittihaad Zmmourii de Khémisset, I.Z.K.
Le
collège était doté d’un important internat qui me comptait parmi ses
bénéficiaires
J’étais
aussi un joueur assidu de football, sport que j’ai longtemps pratiqué.
[9] "La bibliothèque" contenait des
livres qui devaient peut-être servir aux enseignants.
[10]
Djellaba, robe longue, en tissu ou en laine, avec capuchon.
[11] Il
était d’une famille assez aisée, connue en région Zmmour.
Son
frère avait été désigné comme ministre au gouvernement de Hasan II qui a pris
la place de son père à la "tête" d’un régime dans le cadre de
"l’indépendance dans l’interdépendance" ─ statut octroyé par le
colonialisme qui s’est traduit dans les colonies entre autres, par la
multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins
de zèle, de soumission, et de servilité dans l’exécution des ordres des
métropoles─ où le sultanat du Maroc a été transformé en monarchie héréditaire,
dite de "droit divin", et où le sultan est devenu roi ?
À l’époque, je ne connaissais
rien de ce régime au service du système colonialo-impérialo-sioniste, dont les
fondements sont l’imposture, la trahison, la tromperie, l’injustice, la
perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, la tyrannie, le crime, la
torture, et autres.
Dans
ce domaine, la continuité est assurée.
[12] Le "r"
roulé.
[13] Les "r"
roulés.
[14] Les "r"
roulés.
[15] Très malade depuis des
années.