samedi 19 octobre 2013

« CONFIDENCE »


Il avait l’habitude, paraît-il, de dire à une de mes sœurs[1] :
« Une bonne grand-mère, vaut mieux qu’une mauvaise mère ».
Notre père faisait ainsi allusion à un épisode de sa trajectoire ici-bas[2] que cette sœur connaît.[3]
Cet épisode se rapporte à sa mère qui n’a pas été à la hauteur du mariage.[4]
Elle trompait son mari.
Comment, en tant qu’épouse et mère, a-t-elle ignoré la dignité, l’honneur, le respect et l’estime de soi et de l’autre, la confiance, la responsabilité ?
Qui l’a empêchée de saisir le Sens ?
De renforcer le Lien ?
L’infidélité.
La trahison.
Une nuit, l’enfant[5] avait accompagné son père en embuscade dans un ravin, pour éliminer le coupable,[6] qui empruntait le chemin, à proximité du lieu où il était attendu.
À cette époque, les troupes colonialistes étaient engagées contre la résistance des populations. Le colonialisme enrôlait des supplétifs locaux, pour servir de chair à canon, afin de limiter les pertes parmi les effectifs de la soldatesque métropolitaine qui elle, était considérée comme de la chair à canon de « qualité », à traiter autrement.
Le mari, trahi par l’épouse [7]coupable, s’était laissé enrôler par les colonialistes de France.
Et s’était fait tuer.[8]
La grand-mère maternelle de notre père a pris soin de son petit-fils, lui a prodigué beaucoup d’amour et lui a légué une bonne fortune.
Comment a-t-il vécu l’infidélité, la trahison de sa mère ?
Quelle a été la place de ce drame dans son parcours ?
Quels furent ses sentiments réels en découvrant ce qu’était sa mère ?
Comment a-t-il vécu le décès de son père ?
Seul Allaah connaît l’intimité des cœurs.
Les années se sont écoulées.
Les saisons ont succédé aux saisons.
Et à chaque fois qu’il en avait l’occasion, notre père répétait à ma sœur :
« Une bonne grand-mère, vaut mieux qu’une mauvaise mère ».[9]
 
BOUAZZA




Sur la photo, notre père est au milieu, habillé différemment des autres et portant des lunettes noires.
[1] De six ans mon aînée.
[2] Il a rejoint l’au-delà le samedi 4 octobre 2008, selon le calendrier dit grégorien, à l’âge de quatre vingt six ans.
[3] Je crois que peu de personnes dans la famille l’ignorent.
J’en ai déjà parlé.
[4] Lui-même ne l’a pas été.
[5] Notre père.
[6] L’obscurité était totale et la cible n’avait pas été atteinte.
[7] Notre grand-mère paternelle et son premier époux, notre grand-père, avaient eu une fille avant notre père et une après.
Suite à son mariage avec celui qu’elle fréquentait en dehors de son époux, notre grand-père, elle a eu deux fils (dont un est aujourd’hui décédé) et une fille (aujourd’hui décédée également).
Nos oncles et notre tante.
Notre grand-mère est décédée quelques années après son premier mari.
Leurs filles, nos tantes, que je n’ai pas connues, sont décédées quelques années après leur mariage.
Le second mari de notre grand-mère a vécu de longues années après elle.
Il a eu d’autres femmes.
Et d’autres enfants, dont une fille, de mon âge qui était scolarisée dans le même établissement que moi à Lkhmiçaate (Khémisset).
Elle avait épousé le frère cadet du premier mari de ma sœur qui recevait la confidencede notre père.
Les deux frères sont aujourd’hui décédés.
Le deuxième mari de notre grand-mère aussi.
Ce second mari venait à la maison où il était reçu comme le père de nos oncles et de notre tante.
[8] Ce décès a valu à notre père d’être scolarisé, de force, dans les établissements du colonialisme qui en a fait un agent administratif subalterne.
À l’indépendance dans l’interdépendance, il a été nommé à un poste important.

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